Mignonnes : Les Rêves Par Trois

Mignonnes

« Je l’ai déjà fait deux fois »

Amy n’a que 11 ans lorsqu’elle apprend que son père va se marier avec une deuxième femme. Quant à sa mère, celle-ci se doit d’accepter la chose et d’arborer un faux sourire. Tout en préparant la chambre nuptiale dans laquelle son mari et cette deuxième personne dormiront par la suite. Jusqu’à présent, Amy se contentait d’obéir à sa mère à et sa tante, la « doyenne du quartier », en participant aux tâchés ménagères, en s’occupant de ses petits frères et en aidant à la cuisine. Puis tout changea lorsqu’elle fit la rencontre de cette fille, Angelica, dansant lascivement sur de la musique latina alors qu’elle récupérait le linge à laver. Ça + les larmes de sa mère motivèrent Amy à changer de route. « Parce que je ne veux pas finir comme elle ». Ceci est l’histoire de mignonnes petites filles qui auraient dû rester telles quelles. Mais le monde est pernicieux. Et l’innocence, malléable.

Mignonnes

Mignonnes est un film à la fois dur et touchant dans la mesure où il aborde avec une sensibilité crue le passage de l’enfance à la pré-adolescence lorsqu’on est une femme. À fortiori issue d’un quartier pauvre et soumises à des traditions ancestrales restreignant les libertés individuelles. On le voit avec la mère de Amy qui, parce que sa culture l’exige (« C’est ça, être une femme », « Dieu ne te fera jamais supporter ce que tu ne peux supporter »), se doit d’accepter le second mariage de son mari. Alors que cela lui broie le coeur. C’est cet évènement qui incite Amy à vouloir voler de ses propres ailes. Quitte à se les brûler en ne réalisant pas à quel point l’hypersexualisation du corps féminin peut envenimer le quotidien de collégiennes obnubilées par la reconnaissance des autres. À travers les likes des réseaux sociaux et les regards.

Le fait que la réalisatrice, Maimouna Doucouré, soit elle-aussi issue de ce milieu a un impact évident sur l’oeuvre. Non pas que cela enlève la gène que nous ressentons face à des enfants multipliant les postures et mimiques sensuelles. Il y a quelque chose qui cloche et, pourtant, cela est une réalité. Là où, il y a 20 ans de cela, avoir 11 ans restait un tant soit peu synonyme d’innocence et d’imagination débordante, tout a changé avec l’essor d’Internet. Tous les contenus sont disponibles et y-compris ceux destinés à un public adulte. Or, la transgression des règles fait partie des lubies de certains jeunes qui, très vite, engrènent des ami(e)s qui n’auraient pas sauté le pas autrement. S’ensuit une chaine de réactions malsaines accélérant le passage de l’innocence à la noirceur du monde adulte. La pré-adolescence et l’adolescence sont des phases d’évolution importantes où la fragilité du soi se retrouve souvent à fleur de peau. Ajoutez des traditions qui étouffent et une liberté incontrôlée, vous obtenez un équilibre impossible à trouver.

Parvenir à nous transmettre ces bouteilles d’appels à l’aide tout en nous faisant nous attacher à quatre filles paumées mais combattives est le tour de force de Mignonnes. Les rires qui s’effacent au gré de l’engrenage des mauvaises décisions. Le désespoir qui s’impose lorsqu’on remet l’entretien d’un bonheur autour d’une bâtisse de rêves en sable. Depuis combien de temps l’enfance est-elle victime de la corruption des adultes et de leur soif de chair et de pouvoir ? Jusqu’à quand réaliserons-nous que la misère sociale entretient une soupape viciée sur les aspirations d’enfants qui ne devraient jamais être soumis à ce type de pression ? Élan de vie. Souffle d’espoir. Lanceur d’alertes. Mignonnes vaut indubitablement le détour. Quitte à se déconstruire en chemin.

Mignonnes

8/10

*Coup de Coeur*

Publié le
Catégorisé comme Ciné

Fondateur de YZGeneration, YummyZ, Ikke et Bang. Alter ego de Fafa Le Geek.

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